Dans quelles conditions le juge administratif considère que l'égalité des notes maximales des sous critères ne constitue pas une neutralisation irrégulière de ces critères ?

Petite chronique au vu d’un échantillon de décisions récentes :

Tribunal administratif de Lille, 10 décembre 2025, n° 2510935
Tribunal administratif de Lille, 21 novembre 2025, n° 2510592
Tribunal administratif de Nancy, 30 octobre 2025, n° 2503255
Tribunal administratif de Montpellier, 19 août 2025, n° 2505504
Tribunal administratif de Paris, 31 juillet 2025, n° 2520510.

La neutralisation des critères de jugement des offres, par une méthode de notation inadaptée, constitue une irrégularité substantielle, sanctionnée par l’annulation de la procédure, voire par l’indemnisation du candidat évincé si ce dernier a des chances sérieuse de remporter le contrat (remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre ou manque à gagner).

On le comprend aisément : neutraliser les critères ou leur pondération affecte substantiellement la notation des offres au regard des critères, et est donc susceptible de modifier l’ensemble du classement des offres, ce qui peut conduire à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.

Il est donc essentiel pour l’acheteur public de veiller à ce que la méthode de notation et la pondération des critères ne privent pas ces derniers de leur portée effective, sous peine de voir la procédure de passation entachée d’irrégularité et d’être exposé à des recours contentieux aux conséquences potentiellement lourdes.

En présence de notes maximales identiques attribuées à des concurrents, le juge administratif vérifie et exige que l’attribution de ces notes soit justifiée par une analyse sérieuse et circonstanciée des offres, et non par une simple automatisme ou une absence d’examen.

Le raisonnement est le suivant :
1. La neutralisation des sous-critères n’était pas caractérisée par la seule égalité des notes maximales attribuées aux concurrents.
2. La neutralisation doit être démontrée par l’absence d’une appréciation circonstanciée (évaluation détaillée et motivée) et comparative des offres.
Dès lors que les notes maximales à deux offres reflètent la qualité des propositions des deux candidats à des égards différents, le juge considère que l’analyse des offres est circonstanciée et que les critères conservent leur portée discriminante.

A l’inverse, il y a neutralisation irrégulière des critères s’il apparait que les notes maximales identiques :
- reposent sur une dénaturation du contenu des offres ou une altération manifeste de leurs termes
- relèvent d’appréciations stéréotypées sans lien avec un examen sérieux et approfondi de la valeur des offres, c’est-à-dire sans aucune analyse in concreto, ni aucune évaluation de la pertinence ou la qualité des offres, telles que les appréciations suivantes : « très bien » ou « très satisfaisant », ou « les deux offres ont été jugées comme « répondant à la demande », ou « les offres sont « en accord avec la demande » ou encore « les deux offres sont « conformes et compatibles avec » les prescriptions du cahier des charges.

3. Il appartient à l’acheteur public de justifier de manière précise les notes attribuées et l’évaluation sérieuse et motivée des offres qui a été réalisée.
Comment ? : en communiquant le rapport d’analyse des offres au seul Tribunal, par mémoire distinct sur le fondement de l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative (procédure pour la communication de pièces soustraites au contradictoire).
Dans les procédures avec négociation, il peut être intéressant de s’appuyer sur les rapport d’analyse des offres intermédiaires, pour pointer une évolution de la qualité des offres durant toute la phase de négociation, aboutissant à une convergence des notes maximales identiques.